XFoil - Utilisation adaptée à la conception de voiles

Introduction

Ceci est un petit récapitulatif des commandes les plus utiles. Il en existe beaucoup d'autres, à vous de faire un petit effort une fois les bases assimilées. Je ne détaillerais pas non plus l'installation d'XFoil, ce n'est pas le but de cette section. Je supposerais donc que vous disposez d'un XFoil installé et correctement configuré. La version que j'utilise est la 6.94. C'est la dernière en date et ce n'est pas par snobisme, c'est juste qu'elle dispose de fonctionnalités non présentes dans les versions précédentes (comme XYCM) ; faites donc l'effort de vous procurer cette version, vous ne devriez pas le regretter.

XFoil ne dispose que d'une interface 'primaire', en ce sens que la seule façon d'interagir avec lui est de lui envoyer des commandes textuelles à partir d'une ligne de commande. Il s'apparente donc plus à DOS qu'à Windows en terme d'ergonomie. Néanmoins, si les entrées sont textuelles, XFoil est capable de restituer les résultats (la plupart) de façon graphique. Ouf !

Utilisation - Commandes de base

Une fois XFoil lancé, on se retrouve avec un écran qui ressemble à celui-ci :

A tout instant, il est possible d'obtenir de l'aide en entrant la commande '?' (sans les quotes)

En premier lieu, il faut définir un profil. Deux façons (au moins) s'offrent à nous : charger un fichier profil, ou utiliser un profil NACA. XFoil reconnaît un certain nombre de formats de fichiers, aucune manipulation n'est donc en général nécessaire pour les prendre en compte avec XFoil, à une exception près : XFoil déteste les fichiers contenant des tabulations. C'est le plantage assuré (mais pas au chargement, en analyse) si vous avez un fichier tabulé. Pas de bol, la librairie fournie avec Foilmaker ne contient presque que des fichiers tabulés. Remplacez donc toutes les tabulations par des espaces, de façon à rendre les fichiers profil compatibles avec Foilmaker ET XFoil. J'utilise un éditeur de texte de type TextPad. Utilisez par exemple une expression de remplacement du style : remplacer "\t" par " " (sans les quotes).

Pour charger un fichier, tapez 'LOAD' puis entrez le nom du fichier. Pour les fainéants, sous Windows, faites comme moi : drag & drop du fichier dans la fenêtre d'XFoil. Pour débuter, nous allons prendre un profil NACA. Entrez donc NACA 4415.

Pour visualiser le profil, il faut entrer en mode GDES (Geometric Design). Entrez donc GDES. Une fenêtre graphique devrait normalement s'ouvrir.

Quelques commandes utiles en mode GDES :

PLOT
Permet de redessiner le graphe
TSET
Permet de définir l'épaisseur et la cambrure maxi
HIGH
Permet de définir le point d'épaisseur et de cambrure maxi
UNIT
Normalise la corde (à l'unité)
DERO
Positionne la corde horizontalement
GSET
Défait les modifications
EXEC
Valide les modifications

Un petit truc : les profils ont parfois très peu de points et leur analyse sous XFoil pose problème. Pour lisser le profil et augmenter le nombre de points de définition, faire la manipulation suivante : sous le menu général, faire PANE, puis GDES, GSET, EXEC. Autre possibilité, si le profil présente des irrégularités, faire un GDES, puis CADD, <enter> <enter>, puis EXEC (ou GSET si ce n'est pas satisfaisant).

A partir du menu général, entrer OPER pour passer en mode OPER (soufflerie virtuelle).

Avant de simuler, commencez par entrer les paramètres si ce n'est pas déjà fait. Entrez RE pour spécifier le nombre de Reynolds, et MACH si nécessaire. Ces paramètres peuvent être sauvegardés au niveau du menu principal avec la commande WDEF.

Par défaut, le mode de simulation est non visqueux (le prompt est OPERi = inviscid). Pour nos applications, il est préférable de passer en mode visqueux => tapez VISC (le prompt devient OPERv).

Par défaut, le nombre d'itérations pour le calcul de la solution en mode visqueux est de 10. Si vous avez une machine un minimum puissante, entrez un nombre supérieur (100 par exemple) avec la commande ITER. Activez aussi l'affichage de la grille (plus pratique) avec la commande GRID.

Voila, nous sommes prêts à passer aux choses sérieuses. Pour lancer le calcul pour un angle donné n, entrez ALFA n ou A n. Si l'affichage n'est pas assez grand ou trop grand à votre goût, il est possible de redimensionner la fenêtre. Pour provoquer un réaffichage, utilisez la commande CPX. Vous devez obtenir quelque chose comme ça :

Pour obtenir un joli graphique avec les pressions sous forme de vecteurs, utilisez la commande CPV.

Wouaaaahhh !! CPX pour revenir au mode courbe. Nous verrons plus tard comment interpréter ces diagrammes.

Maintenant, on peut calculer une polaire. Pour cela, il faut activer le mode accumulation avec la commande PACC. Le prompt devient OPERva. Il faut maintenant lancer les calculs pour un grand nombre d'angles différents. Heureusement, une commande peut le faire en une seule fois : ASEQ. Pour lancer les calculs entre -5 et 15 degrés, par incréments de 0.5°, entrez ASEQ -5 15 0.5. Une fois les calculs terminés, stopper l'accumulation avec la commande PACC. Le prompt redevient OPERv. Pour afficher la polaire, entrez PPLO. A noter que si vous changez de profil (LOAD), il est préférable de lancer une commande INIT (en mode OPER) avant de relancer un calcul de polaire. Si vous ne le faite pas, les résultats resteront correct, mais le soft aura plus de chances de planter ...

Il est possible de changer de profil et de relancer un calcul de polaire. De cette façon, plusieurs polaires peuvent être comparées. Pour différencier plus facilement les différentes polaires, il est possible de renommer le profil avec la commande NAME avant la commande PACC.

Autre commande qui peut être utile : CL 0 permet de connaître l'angle pour lequel la portance (lift) est nulle.

Détermination de l'angle de fermeture : valeur minimale du CL (portance)

Reprenons l'exemple du NACA 4416. Si on demande le calcul de l'angle pour lequel CL=0 avec la commande CL 0, on obtient un angle de -3.8° environ. Si on se limite à ce résultat, on peut penser que ce profil doit bien 'tenir' à des angles faibles (voir même négatifs). Pourtant, si on s'intéresse à la distribution des pressions (voir le graphique en CPV, c'est plus visuel !), on se rend compte que si la notion de portance positive doit bien s'appliquer à un profil rigide (comme une aile d'avion), il en va tout autrement pour un profil souple, qui plus est soutenu par un bridage. En fait, à cet angle, la portance négative sur le bord d'attaque ne peut être compensée par la portance positive (qui se situe principalement sur le bord de fuite), et le profil est très vraisemblablement en condition de fermeture violente !

Si on repasse en CPX, on s'aperçoit que la courbe bleue (représentant l'intrados) est très largement supérieure à la courbe jaune (représentant l'extrados). Il ne faut donc pas s'intéresser à la valeur du CL (portance), qui n'est que la résultante des forces qui s'exercent sur le profil, mais il faut au contraire rechercher l'angle minimal pour lequel la dépression (la pression est négative et est donc plus exactement une dépression) sur l'extrados est plus importante que la dépression sur l'intrados, sur toute la longueur de la corde, et plus particulièrement sur le bord d'attaque. En pratique, on va rechercher l'angle qui donne un graphique avec une courbe bleue entièrement comprise sous la corde jaune. Pour le NACA 4416, cette situation se produit pour un angle d'environ 1° d'incidence.

Pour ceux qui préfèrent voir : CPV

On voit donc qu'entre la théorie 'aviationniste' qui dit que le profil 'tient' jusqu'à -3.8° et le cas réel pour une voile souple, on a presque 5° d'écart. C'est énorme. Maintenant, si on s'intéresse à la valeur du Cl pour un angle de 1° d'incidence, on s'aperçoit que sa valeur est assez importante (0.52) et que le ratio Lift/Drag (portance sur traînée) est également très bon pour un si petit angle : presque 38. Il est donc peu probable que le profil ait de lui-même 'envie' de s'arrêter à 1° d'incidence, et donc le profil NACA 4416 est vraisemblablement assez instable (indépendamment de son calage)

Détermination de l'angle de fermeture : position des entrées d'air

Gardons le même profil, et intéressons nous à son comportement à 2° d'incidence.

Le Cl est positif, la dépression sur l'intrados est très largement inférieure à la dépression sur l'extrados, bref, tout semble indiquer que le profil est en position stable. En fait, ça dépend. Si on regarde attentivement, on s'aperçoit qu'il y a une pression négative (dépression) sur l'intrados entre 2.9% et 32% de la corde. Utilisez un Screen Ruler (voir rubrique Liens et Entrées d'air) et une règle de trois pour calculer ces positions. Utilisez également les commandes Z (zoom) et U (unzoom) pour obtenir plus de précision. Donc, si l'embouchure descend trop bas, la dépression va 'aspirer' l'air, le bord d'attaque va s'affaisser et c'est la fermeture. Il faut donc placer avec soin les embouchures, et ne pas s'intéresser qu'au point d'arrêt (stagnation point) comme on le lit un peu trop souvent. L'inverse est également vrai : si l'entrée d'air est placée trop haute, la dépression qui y règne aux grands angles d'incidence (par exemple au décollage) va aspirer l'air et empêcher la voile de se gonfler. La voile reste scotchée au sol. J'ai observé ce phénomène sur ma 4.5m², et la seule solution a été d'abaisser les entrées d'air.

Détermination de l'angle de fermeture : pressions sur le bord d'attaque

Pour déterminer la bonne position de l'entrée d'air, on va donc s'intéresser aux pressions sur le bord d'attaque. Comme l'incidence de l'aile change selon les conditions de vol, il faut s'intéresser à l'évolution de ces pressions pour une plage d'incidence. Ici, on a vu que le profil avait peu de chances de tenir en dessous de 1° d'incidence. On peut donc regarder ces variations pour une plage entre 1° et 10° d'incidence (par exemple).

Pour 1°

La zone de pression positive couvre le bord d'attaque entre les points situés à 1.5% de la corde sur l'extrados et 1.55% sur l'intrados.

Pour 10°

La zone de pression positive est située sur le bord d'attaque entre les points situés à 0.22% de la corde sur l'intrados et 100% sur l'intrados.

Si on prend la partie commune entre ces deux zones, on obtient une embouchure située sur l'intrados entre les points situés à 0.22% et 1.55% de la corde. Ca semble petit, mais c'est la seule zone qui est alimentée en permanence, entre 1° et 10° d'incidence, par un flux d'air entrant.

Détermination de l'angle de fermeture : calage du profil

Un problème qui n'est pas toujours facile à résoudre : quel calage utiliser pour un profil donné ? Ce problème est d'autant plus complexe à résoudre que les valeurs données par défaut par XFoil ne correspondent pas à nos attentes. Heureusement, depuis la version 6.94, on peut s'en sortir grâce à une nouvelle fonctionalité.

Le Cm, qu'est ce que c'est ? Cette valeur indique le moment (force de rotation) qui s'applique sur le profil. la signification théorique est que si le Cm est négatif, le profil a tendance à piquer du nez, et à remonter (cabrer) si ce Cm est positif. Le problème, c'est qu'un moment de rotation s'applique à un point bien particulier, ici le point situé à 25% de la corde, sur la corde. Super. Mais en pratique, le point qui nous intéresse est le point de réunion des brides primaires (les A,B et C) puisque c'est autour de ce point que le profil peut en quelque sorte 'pivoter', et ce point ne se situe pas à 25% de la corde, et encore moins sur la corde. Il existe bien une formule pour calculer le point sur la corde pour lequel le Cm est nul : Xcp = 0.25 - Cm/Cl. Le problème, c'est que c'est assez fastidieux de faire tous ces calculs pour tous les points d'une polaire, et que, encore une fois, ce point n'est pas situé sur la corde (sauf pour les arches, éventuellement).

Zorro est arrivé : XYCM. Depuis la version 6.94 de XFoil, il est possible de préciser un point pour lequel va s'effectuer le calcul du Cm (c'est-à-dire que la force de rotation va être calculée par référence à ce point). Et autre bonne nouvelle, ce point n'est pas nécessairement situé sur la corde.

Si on reprend l'exemple de notre NACA 4416, à 4° d'incidence, la formule du Xcp donne : Xcp=0.25-(-0.0841)/0.8275 soit Xcp=0.35. La formule nous donne donc un calage à 35% de la corde. Regardons ce que ça donne. Sous le menu principal, taper XYCM. Entrer comme valeurs : X=0.35 et Y=-1. Nous nous intéressons donc au comportement de la voile pour un calage à 35% de la corde, et un bridage primaire de longueur égale à 100% de la corde.

Sous OPER, lançons un calcul de polaire : PACC <enter> <enter> ASEQ -5 15 1 PACC PPLO.

Enfin, le Cm prend des valeurs réalistes ! Ici, on lit clairement que le Cm est toujours négatif. Rien n'empêche donc le profil de s'approcher des valeurs limites d'incidences qui pourraient lui être fatales : le profil va vraisemblablement fermer en bord de fenêtre.

Autre essai : calage du profil à 42% de la corde (longueur des primaires 100% de la corde). On fait donc un XYCM 0.42 -1, puis on relance le calcul de la polaire : cette fois ci on voit que le Cm devient positif entre 2.5° et 4.25° (environ). Le profil a donc tendance à se caler de lui même à 4.25° : si l'incidence passe en dessous de 4.25°, le Cm devient positif et le profil se cabre, et son incidence remonte. Ca ne signifie pas que le profil ne peut pas fermer : si son incidence passe en dessous de 2.5° (lors d'une turbulence par exemple), son incidence redevient négative et la fermeture reste possible.

Chose que je n'ai pas encore réussi à quantifier : comment déterminer le calage à partir duquel la voile ne veut plus décoller ? Si quelqu'un a une opinion sur la question, je serais très curieux de la connaître. N'hésitez donc pas à m'écrire pour me faire part de vos hypothèses.

Cas d'un profil réflexe en mode autostable

Pour l'exemple, l'étude du calage du Speedfoil (utilisé sur les flexifoils).

Le speedfoil est utilisé avec une barre de fibre de verre située sur le point de corde à 0% ; pour prendre en compte ce calage, on fait un XYCM 0 0. Puis, on lance un calcul de polaire (ASEQ -5 15 0.5).

Ici, le profil a un comportement autostable : plus le profil pique du nez et plus le Cm devient positif. Ceci se traduit par un comportement bien particulier : lorsque l'incidence du profil est inférieure à 3°, le profil se cabre. Lorsque son incidence devient supérieure à 3°, le profil pique. Le profil se cale donc de lui-même à une incidence de 3°, et reste à cette incidence.

Si maintenant on s'intéresse au même profil, mais utilisé avec un bridage. Utilisons un calage à 15% de la corde (toujours 100% de primaires). XYCM 0.15 -1. La polaire (en orange) nous donne (ASEQ -8 15 1) :

Ici, la zone de résistance du profil s'étend de -8° à 4° (environ). On pourrait sans doute encore descendre le calage pour obtenir un profil plus rapide. Ci-dessous la polaire avec un calage à 5% de la corde (ASEQ -13 15 1) : la zone de résistance est encore plus étendue vers le bas : de -12° à 3° (environ).

Les entrées d'air : la solution facile

Il existe un moyen assez simple de déterminer la position optimale des entrées d'air : utiliser ma version modifiée d'Xfoil. En effet, j'ai modifié Xfoil de façon à introduire la notion d'entrée d'air. Une fois celle-ci définie, il devient très simple de déterminer les pressions qui s'exercent sur cette zone. Pour un angle donné, on peut savoir si l'entrée d'air est en surpression (gonflage) ou en dépression (dégonflage).

Exemple (avec un profil NACA 4416) : on positionne l'entrée d'air avec la (nouvelle) commande VENT. Attention, ici, on ne parle qu'en coordonnées selon l'axe des X, un signe négatif désigne l'intrados et un signe positif l'extrados. Par exemple, -0.5 signifie 50% de la corde sur l'intrados, et 0.023 2.3% sur l'extrados. Ici, entrons par exemple VENT -0.0025 -0.03 qui signifie une entrée d'air positionnée entre le point à 0.25% sur l'intrados et le point à 3% sur l'intrados. A tout moment, on peut connaître les valeurs en tapant ? :

Notez au passage que dans cette version, la commande XYCM est accessible du menu OPER. Ensuite, on peut lancer un calcul pour un angle quelconque, ici 0 degrés avec la commande ALFA 0.

Notez au passage dans cette version modifiée l'affichage du Xcp sur le graphique. Maintenant, entrez CPV pour afficher le diagramme des pressions :

En vert, les pressions sur l'entrée d'air, en rouge, les pressions en dehors de l'entrée d'air. L'indication Vent Pressure indique la somme des pressions s'exerçant sur les panneaux inclus dans la zone de l'entrée d'air. Si c'est positif, le flux d'air est entrant. Si il est négatif, le flux d'air est sortant. Proche de zéro, les conditions sont limites et la voiles est probablement sous-alimentée. L'indication Ideal Vent Max indique la position la plus haute de la zone de surpression située autour du point d'arrêt (la convention reste la même : un nombre négatif désigne l'intrados et un nombre positif l'extrados). De même, l'indication Ideal Vent Min indique la position la plus basse de la zone de surpression située autour du point d'arrêt. Pour cet angle, la position idéale de l'entrée d'air est située entre ces deux valeurs. Enfin, L'indication Stagnation Point donne la position du point d'arrêt.

Il ne vous reste plus qu'à faire varier les différentes valeurs de l'angle d'incidence, et déterminer la position idéale de l'entrée d'air pour le domaine d'incidence souhaité.

La version modifiée d'XFoil est disponible en cliquant ici. Pour les curieux ou expérimentateurs, les sources modifiés sont disponibles ici. Amusez-vous bien.

Voila, c'est terminé pour cette fois-ci. N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires, et surtout de vos expérimentations, car tout ceci n'est que théorie, et seul le comportement d'une voile après construction a son importance, en pratique.